Fonds de restauration : – Les Américains Hésitent – La Banque Centrale résiste – Les peuples de la CEMAC menacent

Directeur de publication : Laurent Serge MABIALA

La température monte dans la sous-région Afrique Centrale depuis que les Chefs d’Etat ont fixe au 30 Avril prochain le délai avant mise en application effective de retenue dans les banques locales des fonds de remise en état des sites pour les entreprises pétrolières et minières. Une mesure qui permettra, selon des estimations minimales, de récolter jusqu’à 6 000 milliards FCFA, soit environ 9,6 milliards de dollars, constituant ainsi un matelas de sécurité appréciable pour soutenir la stabilité monétaire régionale.

Pour la BEAC, la signature de ces conventions représente une priorité. Elle a été mandatée pour conclure ces accords avant le 30 avril 2025, avec la possibilité d’imposer des sanctions en cas de non-respect. À la clé : un renforcement des réserves de change, qui s’élevaient à 7 515 milliards FCFA au 31 janvier 2025, assurant une couverture extérieure de la monnaie de 74,9 %.

En prélude a la mise en place de ce nouveau mécanisme, certains acteurs internationaux, notamment aux États-Unis, ont montré une attitude hostile, allant même jusqu’à proposer une loi pour le contourner. Dans le texte porté par le républicain Bill Huizenga, il est considéré que ces ressources, affectées à des dépenses environnementales spécifiques, ne devraient pas être comptabilisées comme des actifs liquides disponibles. Ceci implique que les réserves de change doivent être facilement mobilisables par les autorités monétaires, ce qui ne serait pas le cas des fonds RES, strictement encadrés et conditionnés à des obligations contractuelles. Selon ce projet de loi,  »le FMI a la responsabilité de clarifier les critères d’éligibilité des actifs comptabilisés dans les réserves afin de garantir la fiabilité des données financières des pays membres ».

En fait, ce texte reflète aussi les tensions grandissantes entre la CEMAC et plusieurs multinationales du secteur extractif, notamment américaines. Chevron, ExxonMobil ou encore Vaalco Energy ont exprimé, à travers des relais institutionnels, leur inquiétude face aux nouvelles règles de change imposées par la BEAC depuis 2019, qui exigent un rapatriement accru des devises. Le lobbying de ces entreprises semble aujourd’hui trouver un relais puissant au sein du Congrès américain.

Selon le magazine Africa Intelligence, « les pourparlers, menés par le directeur Afrique de la Chambre de commerce des États-Unis, Guevera Yao, bloquent sur l’immunité juridique de la BEAC, sur son rôle de dépositaire des comptes du fonds de réhabilitation, ainsi que sur la mise en œuvre des clauses de double incrimination et de changement défavorable important ».

En outre, relativement au même dossier, Paris essaie de jouer sa propre carte a la fois pour doubler Washington et faire les yeux doux aux dirigeants de la sous-région. Ainsi, le 17 avril 2025 à Paris dans le cadre d’un dialogue de haut-niveau, visant à faire le point sur la stabilité de la sous-région, et sur invitation d’Éric Lombard, et d’Ivan Bacale Ebe Molina, ministre équato-guinéen des Finances, Président du Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale, se sont retrouvés les ministres de finances ainsi que les principaux responsables des institutions sous-régionales, notamment le Président de la Commission de la CEMAC, Baltasar Engonga Edjo’o, et le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Yvon Sana Bangui, en présence des représentants de bailleurs de fonds.

Paris entend profiter des accords de coopération monétaire entre la France et les pays de la CEMAC pour garder la main dans le dossier malgré les critiques acerbes de la société civile qui considère ces derniers comme des vestiges d’une politique néocoloniale à faire disparaitre.

C’est d’ailleurs dans cette lancée que plusieurs mouvements de la société civile dans la sous-région appellent les dirigeants de la CEMAC à faire preuve de fermeté et de courage en mettant en place ce mécanisme salutaire pour la souveraineté de cet espace tout en osant franchir le cap de création d’une nouvelle monnaie. Les leaders d’opinion qui ont massivement sollicite notre rédaction annoncent qu’ils travaillent actuellement à l’organisation d’un vaste mouvement en faveur du renforcement de la souveraineté sous-régionale et qui pourrait solliciter l’attention du Gouverneur de la BEAC, Yvon Sana Bangui.  

L’implication de la société civile peut être d’un grand poids dans cette bataille ou Washington joue le rôle du méchant et Paris du bon dans le seul objectif d’atténuer le nouveau mécanisme de stabilisation monétaire en zone CEMAC. L’atout de cet acteur étant qu’il mobilise directement les masses populaires pour faire entendre leur voix et peser de tout son poids pour que l’intérêt supérieur du peuple prime en toute circonstance. Pour rappel, les populations de la CEMAC avaient accueilli avec une grande joie la formulation de ce nouveau mécanisme dans les recommandations de la rencontre de Yaoundé le 16 décembre 2024. Ce d’autant plus qu’il les dirigeants avaient réaffirmé l’application intégrale de la réglementation des changes, notamment à travers le rapatriement diligent des devises (dont 50% sont centralisées dans le compte d’opération ouvert dans les livres du trésor français et qui permettent aux pays de la CEMAC d’assurer solidairement leurs importations de biens et service) par les opérateurs économiques, et plus particulièrement la signature avant le 30 avril 2025 des conventions de compte séquestre pour les fonds de restauration des sites (Fonds RES) par les entreprises extractives. « Il s’agit là des points cruciaux inscrits à l’ordre du jour de la réunion de Paris ce 17 avril 2025 », souffle le Gouverneur Yvon Sana Bangui.

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